En complément de mon billet « Pédagogie en plein air- Ressources » publié en août dernier, voici un excellent article de Guilaine Bomba « Les effets de la pédagogie du dehors sur les élèves » sur Thot Cursus.
Lorsque l’on essaie d’imaginer ce à quoi peut ressembler une salle de classe, très vite l’on visualise un espace clos avec des bureaux, un tableau ou des écrans… Et pourtant, il est possible qu’elle puisse se déporter vers d’autre lieux à l’exemple d’un parc, – même si le cadre de la classe dans la pédagogie du dehors n’est pas uniforme – sans nécessairement que l’enseignant s’éloigne de la fiche pédagogique qu’il est sensé suivre tout au long de l’année scolaire. Si une salle de classe contenue dans quatre murs contraint l’apprenant, faire des classes en plein air offre d’autres possibilités à l’élève qui se sent plus libre de ses gestes.
Ayant observé la modification comportementale et cognitive des élèves dans les deux situations, Sara Sampaio a rédigé un mémoire de Master dont le sujet de recherche est : «Les effets de la pédagogie du dehors sur les élèves : une expérimentation en classe de GS».
Pour mener à bout cette recherche, elle plante sa question de recherche : comment la pédagogie du dehors peut-elle permettre une évolution positive des problèmes rencontrés en classe, d’une part dans le domaine du langage, d’autre part, dans le processus du « devenir élève » ?
Pour répondre à cette question Sara entreprend dans un premier temps faire un détour historique sur l’école du dehors, les raisons qui justifient cette pédagogie, ce que l’on fait en extérieur et les résultats de la recherche. Il est question dans la suite de cet article, de suivre cette logique.
Les origines de l’école du dehors
L’une des plus célèbres écoles du dehors qui a su s’exporter est le modèle allemand, qui consistait à scolariser les enfants tuberculeux. Ces écoles ont finalement disparu avec l’avènement des antibiotiques mais le concept de «l’école du dehors» ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il a fallu attendre la fin du XIXe siècle avec les travaux des pédagogues Fröbel et Pestalozzi qui ont proposé une pédagogie active, visant à mettre l’apprenant au centre de l’apprentissage. Pour Pestalozzi, l’enfant acquiert des connaissances par une constante interaction avec l’environnement. Quant à Fröbel, le jeu est un principe éducatif fondamental.
Fortement influencé par l’idée d’associer pratique et expérience à travers le concept de leçon de choses de Fröbel, aux Etats-Unis, l’on voit apparaître au XXe siècle la première Forest School qui considère que les élèves apprennent mieux par la pratique en connexion avec la nature.
Contrairement aux communautés susmentionnées, les pays nordiques ont style de vie qui prône la vie en extérieur quelque soit le temps; du coup, ici, ce concept connaît une grande implantation dans le milieu scolaire. Ceci est d’autant plus vrai que 20% des écoles maternelles au Danemark sont des jardins d’enfant dans la nature.
Pour ce qui est de la France, elle opte pour l’usage des concepts de « leçon de classe » et de « classe promenade », qui sont le résultat d’une triple l’influence française, allemande et américaine. Le premier concept trouve sa place dans les enseignements scientifiques à l’école primaire en France, tandis que pour le deuxième, les enseignements plus réalistes dans la nature sont privilégiés. Ces influences vont contribuer grandement à la refonte du système scolaire en France, grâce aux recherches des pédagogues comme Freinet et Decroly, qui proposent des méthodes alternatives, entendant toute deux, mettre l’enfant au centre de tout processus d’apprentissage, lequel processus ne peut être articulé en dehors de la nature.
C’est ainsi que Freinet dans la classe promenade mène une réflexion sur l’aménagement de la classe proche de la nature, des jardins et des potagers. Plus récemment encore en 2020, à cause de la pandémie à covid-19, le système scolaire s’est encore réorganisé avec une préférence pour les écoles du dehors à l’instar de « Apprenons dehors », « classe dehors 79 »…
Pourquoi faire ses classes dehors ?
S’il est connu qu’être mobile permet à tout individu de préserver sa santé physique et mentale, il en est de même pour la pédagogie de dehors. Mais, les bienfaits de cette pédagogie ne s’arrêtent pas là. La pédagogie du dehors permet d’acquérir des connaissances, vu que la confrontation au réel est considérée comme une base de la démarche scientifique. Dans cette perspective, l’environnement est un « objet de connaissance appréhendé par la relation directe avec la nature ».
En outre, il convient de signaler que cette méthode selon une recherche américaine, – SEER : State Education and Environment Roundtable – garantit l’amélioration des résultats et la diminution des inégalités scolaires. Même si certains détracteurs de la méthode, notamment Connac, voit en cela un frein pour le remplissage des cahiers de charges scolaires, Sara Wauquiez estime que cette pédagogie ne saurait se faire sans le balancier « aller et retour ». Ici la pédagogie du dehors vise à explorer, découvrir, tandis que le dedans permet l’approfondissement de la découverte.
En plus d’améliorer les résultats scolaires, la pédagogie du dehors formerait des citoyens sensibles aux questions environnementales. L’enquête Chalmeau-Julien révèle d’ailleurs que les enseignants considèrent l’enseignement en extérieur comme « support idéal au développement durable ».
En dehors des questions environnementales, cette méthode favorise la concentration et le développement de compétences transversales. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, faire cours dehors améliore la concentration de l’enfant, en dépit des possibles facteurs pouvant provoquer le zapping attentionnel à l’exemple des animaux, des insectes et autres imprévus. Cela est rendu possible grâce à la mise sur pied d’un « dispositif inscrit dans le temps ». Il s’agit concrètement d’instaurer des rituels, des règles de fonctionnement, des habitudes, afin que ce dispositif soit détaché de toute vision récréative.
Pour ce qui est des compétences transversales, remarquons que la pédagogie du dehors favorise l’autonomie de l’élève qui apprend à connaître ses limites et ses besoins, assure la coopération entre les apprenants qui sont confrontés à un environnement moins favorable, développe l’intelligence par les sens et enfin renforce la motivation. D’ailleurs, 70% des enseignants qui pratiquent la pédagogie du dehors estiment que leur motivation a augmenté. Si faire cours dehors a de multiples bénéfices, comment ce temps est-il meublé ?
Que se passe-t-il en extérieur ?
Les cours dehors ne se font pas de la même manière que ceux de dedans. Il convient avant toute sortie de s’interroger sur sa nature : la sortie s’intègre-t-elle aux séquences d’enseignement ou est-elle un objectif en elle-même ?
Dans le cas où la sortie permet de suivre le programme, le cours en extérieur ne vient que contextualiser l’apprentissage, lui donner du sens, même si cette organisation du travail limite l’enrichissement des élèves pouvant parfois émerger du lâcher prise ou du hasard.
Quant à la deuxième option, la sortie en plein air constitue un enseignement global qui comporte le risque que l’apprenant sorte de là idem, vu que les connaissances acquises ne sont pas mesurables. Étant donné que la configuration de l’environnement change, l’enseignant est obligé d’adopter une certaine posture. Valérie Dereins par exemple alterne entre l’observation et le dialogue.
Aussi, la gestion du risque est de mise d’où le démarrage des activités par le rituel sécurité. Après avoir présenté les origines de la pédagogie du dehors, mis en lumière ses bienfaits et fait part de ce qui meuble la sortie, il importe de présenter les résultats de recherche.
Les résultats de la recherche
Afin de répondre à sa question de recherche, Sara Sampaio délimite son échantillon à une classe de grande section comptant 20 élèves, au sein d’une école du 14e arrondissement de Paris. Elle opte pour un parc non loin de l’école où elle fait son stage. C’est donc dans ce cadre qu’elle va observer l’attitude des élèves en extérieur. Il en résulte que :
- Le passage en extérieur favorise une prise de parole plus importante. Ceci est dû à l’absence de tout formalisme que requiert une salle de classe. Ainsi, dehors, l’apprenant n’a pas l’impression de discuter avec l’enseignant.
- Pour les élèves réfractaires au cadre scolaire, l’extérieur donne lieu à un résultat contrasté : le passage en extérieur provoque des évolutions positives mais parfois amplifie les problèmes comportementaux du départ.
- Les élèves qui manquaient d’autonomie explorent, naviguent d’un espace à un autre en extérieur, et prennent des initiatives.
- Les élèves sont plus engagés dans la réalisation des tâches.
En somme, on retient que la pédagogie du dehors a de nombreux bénéfices en ce qui concerne le bon déroulement de la scolarisation des apprenants. Cela dépend grandement des dispositifs pris au préalable par l’enseignant.
Références
GODEAU Emmanuelle, 2020, « Les écoles de plein air une utopie à revisiter ?», Rhizome, Vol 4, N0 78, pp10-11, en ligne https://www.cairn.info/revue-rhizome-2020-4-page-10.htm
SAMPAIO Sara, 2022, Les effets de la pédagogie du dehors sur les élèves : une expérimentation en classe de GS, Education, en ligne https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03711775







